Je cherche fortune

Aristide Bruant
Harmonisation: Robert Ledent
1. Chez l' boulanger (bis)
Fais-moi crédit (bis)
J' n'ai plus d'argent, (bis)
J' paierai sam'di (bis)
Si tu n' veux pas (bis)
M' donner du pain (bis)
J' te cass' la gueule (bis)
Dans ton pétrin (bis)

2. Chez l' marchand d' frites
M' donner des frites
J' te cass' la gueule
Dans tes marmites

5. Chez la putain
Baiser à l'oeil
J' te cass' la gueule
Dans ton fauteuil

8. Chez l' chirurgien
Soigner mon p'tit
J' t'enfonc' dans l' cul
Ton bistouri

Non, c'est pas moi, c'est ma soeur
Qu'a cassé la machine à vapeur
Ta gueule (ter)

 
variante:
Non, c'est pas moi, c'est ma soeur
Qu'a foutu la vérole au facteur
Ta gueule (ter)

3. Chez l' cabar'tier
M' donner à boire
J' te cass' la gueule
Sur ton comptoir

6. Chez l'autr' putain
M' prêter ton con
J' te bouff' le cul
Et les nichons

9. Chez l' pharmacien
M' donner d' potion
J' te cass' la gueule
Dans tes flacons

11. Chez M'sieur l'curé
Me confesser,
J'te claque la gueule
Dans l'bénitier

 
 
Je cherche fortune!
Autour du Chat Noir
Au clair de la lune
A Montmartre, le soir

 
 

4. Marchand d' tabac
M' donner des sèches
J' fais dans ta gueule
Un' large brèche

7. Chez l'aubergiste
M' donner un' chambre
J' te cass' la gueule
Et les cinq membres

10. Chez M'sieur l' curé
Nous mari-er
J' te cass' la gueule
Dans l' bénitier


En fait, seuls les quatre vers (Je cherche fortune...) sont empruntés à la chanson Le Chat Noir d'Aristide Bruant.
L'air de la chanson n'a rien à voir avec celui de Bruant, mis à part ces quatre vers.

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Alphonse du Gros Caillou

Harmonisation: Robert Ledent

1. J' m'appell' Alphons', j' n'ai pas d' nom de famille,
Parc' que mon pèr' n'en avait pas non plus,
Quant à ma mèr', c'était un' pauvre fille
Qui était née de parents inconnus.
On l'appelait Thérès', pas davantage,
Quoiqu' non mariés, c'étaient d'heureux époux;
Et l'on disait quel beau petit ménage,
Que le ménage Alphons' du Gros Caillou!

3. Tout prospéra, mes soeurs aidant ma mère
Car elles eur'nt vite fait leur chemin;
Moi-même aussi, et quelquefois mon père
S'il le fallait, nous y prêtions la main.
La clientèle était assez gentille,
Car elle avait grande confiance en nous;
Ils s'en allaient disant; quelle famille,
Que la famille Alphons' du Gros Caillou!

5. Y avait des jours, fallait être solide,
Et le quinze août, fête de l'Empereur,
C'était chez nous tout rempli d'invalides,
De pontonniers, d' cuirassiers, d'artilleurs.
Car ce jour-là, le militair' godille
Et tous ces gens sortaient contents d' chez nous;
Ils se disaient quelle belle famille,
Que la famille Alphons' du Gros Caillou!

2. Après trois ans, ils eur'nt enfin la chance,
Vu leur conduit', leurs bons antécédents,
D' pouvoir ouvrir un' maison d' tolérance
Et surtout cell' d'avoir eu quatre enfants.
Sur quatre enfants, Dieu leur donna trois filles
Qui ont servi dès qu'ell's ont pu chez nous;
C'est que c'était une honnête famille,
Que la famille Alphons' du Gros Caillou!

4. Moi j' travaillais dans la magistrature,
Le haut clergé, les gros officiants,
J'avais pour ça l'appui d' la préfecture
Où je comptais aussi quelques clients.
J'étais si beau qu'on m' prenait pour un' fille,
Tant j'étais tendre et caressant et doux
Aussi j'étais l'orgueil de la famille,
De la famille Alphons' du Gros Caillou!

6. Au-dehors nous comptions quelques pratiques
Ma mèr' servait les Dam's du Sacré Coeur,
Mes soeurs servaient Madam' de Metternich,
Mon pèr' servait la Maison de l'Emp'reur.
La clientèle était assez gentille,
Puis on avait grande confiance en nous
Et l'on disait: "Quelle sainte famille
Que la famille Alphons' du Gros Caillou"

7. Maint'nant ma mèr' s'est r'tirée des affaires,
Moi j' continue mais c'est en amateur;
Mes soeurs ont tout's épousé des notaires
Mon père est membr' de la Légion d'Honneur,
De notr' vertu la récompense brille
Et si notr' sort a pu fair' des jaloux,
On dit tout d' mêm' c'est un' belle famille,
Que la famille Alphons' du Gros Caillou!

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La brave fille des abattoirs

1. Dans la fumée des faubourgs populaires
Où ça sent fort la sueur et la misère
Les ouvriers répondent à l'appel
Des mill' sirèn's qui sifflent dans le ciel;
Mais la plus bell' de toutes ces sirènes
C'est un' brav' fille, des bouchers c'est la reine
Et chaque soir elle est le réconfort
Des louchebems, les chétifs comm' les forts
Le regard pur et le front innocent
Elle a les mains tout' couvertes de sang...

2. Elle aim' les homm's avec de bell's bacchantes,
Ell' se nourrit que de viande saignante,
Pas de poisson, jamais de maquereau,
Car ell' sait bien qu'ils ne sont pas loyaux
Au grand Mimil' qu'en saignait cent à l'heure,
Ell' dit un jour "T'as l'air d'un grand seigneur"
Sur un étal il voulut la coucher
En lui disant "C'est un prix de boucher"
Tout d' suite après comm' dans un grand frisson
Cert's un peu tard, elle lui répondit "Non"...

C'est la brav' fill' des abattoirs
A la Vilette il faut la voir,
Assister au dernier supplice
Des pauv' taureaux, des pauv' génisses
A u porc qui souffre avant l' saloir
Elle apporte un suprême espoir
Viande à saucisse,
Pour qu' les riches
Ils s' l'emplissent.

3. Mais un beau soir, là bas, près d' la Vilette,
Ell' trouve Mimile avec une autr' brunette
Alors dans l'ombr', se faufilant sans bruit,
Ell' lui assène un grand coup de fusil
Ell' prend sa revanche et Mimil' s'affaisse
Et puis Tata s'exclame vengeresse
Tu m' l'as broyé mon p'tit coeur de vingt ans,
Je vais t'arracher le tien maintenant
Tout en roulant par dessus les fortifs,
Le coeur de Mimil' gémissait plaintif...

C'est la brav' fill' des abattoirs.
Dans un rictus il faut la voir
Ricaner d'un p'tit coeur qui glisse
Elle est plus vach' qu'une génisse
Voilà comment ell' laissa choir
Le coeur de Mimil' su' l' trottoir
Moralité: Faut qu' ça finisse
Plus d'alcool,
Plus de vices


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La fleur des fortifs

1. Entre Malakoff et Saint-Ouen
Y avait une pauvre bicoque
Ousqu' habitait un' fill' de rien
Qu'avait des allur's équivoques
La pauvrett' n'avait pas seize ans
Elle n'avait plus ses père et mère
Et pour gagner un peu d'argent
Ell' vendait des fleurs au cim'tière
Et le soir ell' vendait son corps
Pour s'ach'ter un' côt'lette de porc

On l'appelait Fleur des Fortifs
A caus' de son p'tit air chétif
Ell' f'sait l'amour en collectif
Avec un air rébarbatif
Quand on pens' qu'il y a des oisifs
Qu'ont des fleurs et des pendentifs,
Y' a plus qu'à s'arracher les tifs
Y' a pas d'autr' qualificatif

Soin soin

2. Un soir près de l'usine à gaz
Elle rêvait de foll's tendresses
Avec un gars qui f'sait du jazz
Et qui ferait vibrer la caisse
Soudain ell' vit un vieux vieillard
- Les vieillards ne sont jamais jeunes -
Qui la suivait dans le brouillard
A l'heure ousque les rich's déjeunent
Que voulez-vous qu'ell' lui disât?
Quand le vieillard lui dit comm' çà:

"On t'appelle Fleur des Fortifs
Fais un arrêt facultatif
Je suis vieux, mais j' suis sensitif
J'aim' beaucoup les p'tits trucs lascifs
Je suis vieux mais je n' suis pas juif
Si tu me fais superlatif
Je te paierai l'apéritif"

Soin, soin

3. Mais elle poussa un grand cri
En reconnaissant son grand-père
Arrièr' cochonnet, qu'ell' lui dit,
Il fit cinq six bonds en arrière
Et dans un sursaut de dégoût
Il s'étrangla avec sa barbe
Et j'ta son corps dans un égout
Pendant qu'ell' s' pendait à un arbre.

C' qui prouv' qu'y a toujours du coeur
Ousqu'y a du sens et d' l'honneur
On l'appelait Fleur des Fortifs
Ell' repose sous un massif
De rhododendrons maladifs
Avec un oiseau dans un if
C'est l'Etat le grand responsif
Qui laiss' les fill's vendr' leur rosbif
Et le merle répond plaintif
Tout çà c'est bien emmerlatif

Soin soin


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Héloïse et Abélard

Harmonisation: Robert Ledent

1. Peuples de Navarre et de France
Des Batignoll's et du Jura
Oyez cette triste romance!

3. De ses élèv's, nous dit l'histoire,
Abélard, il s'app'lait comm' çà,
Fatiguait beaucoup la mémoire

6. Mais çà n'manqua pas d' la surprendre
Quand l'bel Abélard lui donna
Un très long morceau à apprendre

9. Mais le tuteur, comm' dans un drame
Un soir chez Abélard entra
Pour lui raccourcir son programme

Aïe, aïe ma mère!
Aïe, aïe papa!

 
4. Le chanoine de Saint-Sulpice
Comm' répétiteur le donna
A sa petit' fille Héloïse

7. Ne pouvant s' l'entrer dans la tête
La pauvr' petit' se dépita
Et s' mit à pleurer comme un' bête

10. Mais dans son ardeur criminelle,
Au lieu d'élaguer, il trancha
La partie la plus essentielle.

12. Quoiqu'ayant pris goût aux préludes,
Héloïse, à cinquante ans d' là,
Mourut sans finir ses études.

2. C'est l'horrible mésaventure
Qu'eut, il y a quelque temps de çà
Un professeur d' littérature

5. Le tuteur de la demoiselle
Lui avait inculqué déjà
Plus d'un' leçon superficielle

8. Abélard lui disait: "Patience
Votre intelligenc' s'ouvrira"
Ell' n'y mettait pas d'complaisance

11. Depuis cet acte attentatoire
Jamais Abélard ne r'trouva
Le fil perdu de son histoire


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